Tribune – Raffiner en Guinée : forger l’avenir avec nos ressources
Par-delà les discours convenus sur le « potentiel » africain, la Guinée vient de poser un acte concret, symbolique et stratégique : le lancement de sa première raffinerie d’alumine, dans la préfecture de Boffa. Ce n’est pas un chantier de plus, ni un simple investissement étranger. C’est un signal fort. Une déclaration d’intention. Un marqueur d’un changement de cap irréversible : celui d’une Afrique qui refuse désormais d’être le grenier brut du monde, pour devenir l’atelier de son propre destin.
Pendant des décennies, la Guinée comme tant d’autres pays riches en ressources s’est contentée d’exporter sa bauxite, laissant à d’autres le soin d’en extraire la valeur. Ce modèle, hérité de logiques extractivistes d’un autre siècle, a freiné l’industrialisation du continent et bridé ses ambitions économiques. Aujourd’hui, cette logique vacille. Et Boffa en est le témoignage vivant.
En accueillant cette raffinerie d’alumine, fruit d’un partenariat sino-guinéen équilibré, le pays enclenche un cercle vertueux : création d’emplois qualifiés, transfert de compétences, renforcement de l’infrastructure énergétique, modernisation portuaire, hausse des recettes fiscales, et surtout souveraineté sur sa chaîne de valeur. Ce projet n’est pas seulement industriel, il est politique au sens noble du terme : il redonne à l’État sa capacité à orienter le développement, à imposer des normes, à faire respecter son Code minier.
Il serait aisé de réduire cette avancée à une collaboration bilatérale avec un acteur majeur comme la Chine. Mais ce serait passer à côté de l’essentiel : c’est la Guinée elle-même qui choisit de transformer, d’exiger, de planifier. C’est elle qui dit « oui » à l’avenir, mais « non » à la complaisance. La création d’un centre de formation professionnelle par SPIC et la volonté exprimée de « guinéiser » les fonctions clés témoignent d’une vision claire : la ressource seule ne suffit pas, c’est la capacité humaine à l’exploiter qui fait la richesse réelle.
À l’heure où l’Afrique se cherche des modèles de croissance endogène, ce projet de Boffa apparaît comme une promesse tenue, un horizon crédible. Il rappelle que la transformation locale n’est ni un rêve lointain, ni un luxe inaccessible. Elle est un impératif, et surtout une opportunité : celle de bâtir une prospérité durable, inclusive, et fière de ses racines.
Raffiner en Guinée, c’est refuser le fatalisme. C’est croire en notre capacité à créer de la valeur ici, chez nous, pour nous. Et c’est, au fond, la plus belle preuve que l’Afrique industrielle ne s’annonce plus : elle est déjà en marche.
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