Afrique du Sud : la justice freine un projet offshore de TotalEnergies, entre ambitions énergétiques et impératifs de durabilité

Afrique du Sud : la justice freine un projet offshore de TotalEnergies, entre ambitions énergétiques et impératifs de durabilité

La Haute Cour sud-africaine a annulé l’autorisation accordée à TotalEnergies pour un projet de forage pétrolier au large des côtes du pays. Saisie par des organisations de défense de l’environnement et de communautés littorales, la justice invoque un défaut de transparence dans la procédure de consultation publique. Cette décision illustre la montée en puissance des enjeux environnementaux et sociaux dans l’évaluation des projets extractifs en Afrique australe, une région convoitée pour ses ressources énergétiques offshore.

Un revers juridique révélateur d’un contexte plus large

Le secteur énergétique sud-africain connaît une période de fortes tensions entre impératifs de sécurité énergétique, attractivité pour les investisseurs internationaux et exigences croissantes de durabilité. Dans ce contexte, le projet de TotalEnergies, mené en partenariat avec Shell et la compagnie nationale PetroSA, devait s’étendre sur près de 10 000 km² au large des côtes sud-africaines.

Mais la Haute Cour, sous l’autorité de la juge Nobahle Mangcu-Lockwood, a estimé que l’autorisation délivrée en 2023 par le ministère de l’Environnement n’avait pas respecté les obligations de consultation des populations directement concernées. Les griefs portaient notamment sur l’absence d’informations suffisantes concernant les risques d’accidents environnementaux – tels que les marées noires – et leurs impacts sur les moyens de subsistance des pêcheurs locaux.

Une victoire symbolique pour la société civile et les communautés littorales

Les ONG Green Connection et Natural Justice, à l’origine de la plainte, ont salué une « victoire » pour les communautés côtières et pour la préservation des écosystèmes marins. Elles estiment que ce jugement réaffirme le droit des populations locales à participer aux décisions qui affectent leur environnement et leurs activités économiques.

Cette décision traduit une tendance de fond : l’exigence croissante de transparence, de gouvernance environnementale et de respect des standards internationaux de consultation dans le secteur extractif. Elle pourrait créer un précédent juridique et politique pour d’autres projets offshore en Afrique australe.

Des opportunités contrariées, mais non annulées

Pour TotalEnergies, ce jugement représente un ralentissement stratégique, mais pas un abandon. La magistrate a précisé que l’entreprise pourra reformuler sa demande, à condition d’engager une consultation publique ouverte et inclusive. Le projet conserve donc son potentiel, sous réserve d’un dialogue mieux structuré avec les parties prenantes locales.

Ce contretemps rappelle néanmoins aux majors que l’accès aux ressources énergétiques ne repose plus uniquement sur des considérations techniques et financières, mais également sur l’acceptabilité sociale et environnementale. L’ère des projets imposés « par le haut » laisse place à une gouvernance où les communautés locales et la société civile s’imposent comme des acteurs incontournables.

Une région sous les projecteurs des investisseurs

L’Afrique australe attire de plus en plus les compagnies énergétiques internationales. Les découvertes majeures de pétrole offshore en Namibie et les développements gaziers au Mozambique en font une nouvelle frontière énergétique mondiale. L’Afrique du Sud, par sa position géostratégique et ses besoins en sécurité énergétique, est naturellement intégrée dans cette dynamique.

Cependant, cette attractivité se conjugue désormais avec des contraintes accrues : protection des écosystèmes, respect des droits des communautés et intégration des principes de transition énergétique. Pour les investisseurs, il s’agit de concilier rendement et durabilité, afin d’éviter le risque de voir des projets bloqués ou ralentis par la contestation sociale et judiciaire.

Perspectives : vers une gouvernance énergétique inclusive

Au-delà du cas de TotalEnergies, cette affaire illustre une mutation profonde dans la gouvernance des industries extractives en Afrique. Les États et les compagnies doivent composer avec une société civile plus organisée et des juridictions plus exigeantes. Cela ouvre des opportunités pour instaurer de nouveaux cadres partenariaux, associant entreprises, pouvoirs publics et communautés locales, afin de garantir à la fois la rentabilité des projets et leur légitimité sociale.

Pour l’Afrique du Sud, cette décision pourrait contribuer à redéfinir la manière dont sont menées les politiques énergétiques, dans un contexte où la transition vers un mix énergétique plus diversifié et durable devient un impératif national. Quant aux compagnies internationales, elles devront désormais intégrer, au cœur de leur stratégie, les dimensions de durabilité et de dialogue, désormais aussi décisives que les réserves qu’elles convoitent.

 

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