
Accès universel à l’énergie : l’Afrique subsaharienne confrontée à un déficit structurel de financements malgré la progression des renouvelables
Alors que les indicateurs mondiaux témoignent d’une amélioration continue de l’accès à l’électricité, l’Afrique subsaharienne demeure en marge de cette dynamique, freinée par des inégalités persistantes, un sous-investissement chronique et des mécanismes de financement inadaptés. Le rapport 2025 « Tracking SDG 7 » alerte sur l’urgence de réformer l’architecture financière du secteur énergétique pour répondre aux enjeux de développement durable et de justice climatique.
Une progression mondiale contrastée
Le rapport Tracking SDG 7: The Energy Progress Report 2025, élaboré conjointement par l’Agence internationale de l’énergie (IEA), l’IRENA, la Banque mondiale, l’OMS et les Nations Unies, révèle une progression significative de l’accès à l’électricité au niveau mondial : 92 % de la population bénéficie désormais d’un accès de base à l’énergie. Toutefois, 666 millions de personnes, principalement issues des zones rurales d’Afrique subsaharienne, restent privées de ce service essentiel.
En parallèle, les avancées concernant l’accès à des technologies de cuisson propre stagnent. En 2023, plus de deux milliards d’individus continuaient à dépendre de sources traditionnelles de combustion, telles que le bois ou le charbon de bois, générant des impacts sanitaires et environnementaux préoccupants.
L’Afrique subsaharienne, épicentre des inégalités énergétiques
L’Afrique subsaharienne concentre 85 % de la population mondiale privée d’électricité, un chiffre révélateur d’un retard structurel aggravé par des écarts considérables en matière de capacités installées. En moyenne, la région ne dispose que de 40 watts d’énergies renouvelables par habitant, contre plus de 1 100 watts dans les pays à revenu élevé.
La situation est encore plus préoccupante en matière de cuisson propre, où la croissance démographique dépasse les gains réalisés. Chaque année, 14 millions de personnes supplémentaires dans la région rejoignent la catégorie des ménages sans accès à des solutions durables, accentuant les défis de santé publique et de déforestation.
Des financements encore trop limités, mal calibrés et inégalement répartis
Les flux financiers internationaux en faveur de l’énergie propre dans les pays en développement ont atteint 21,6 milliards USD en 2023, enregistrant une hausse pour la troisième année consécutive. Toutefois, seuls deux pays d’Afrique subsaharienne figurent parmi les cinq principaux bénéficiaires, soulignant une concentration géographique des financements qui accentue les disparités régionales.
Par ailleurs, 83 % de ces fonds sont alloués sous forme de dette, alors que les subventions directes ne représentent que 9,8 % du total. Cette structuration limite l’accès au financement pour de nombreux pays à faible revenu, souvent confrontés à des contraintes budgétaires aiguës.
Le rapport plaide en faveur d’un rééquilibrage des instruments financiers, en mettant l’accent sur l’augmentation des financements concessionnels, la simplification des procédures d’accès et la mise en œuvre de réformes institutionnelles favorisant la mobilisation du capital privé.
Une efficacité énergétique encore insuffisante
L’analyse de l’intensité énergétique révèle également une dynamique insuffisante. En 2022, celle-ci a diminué de 2,1 % à l’échelle mondiale – une performance certes meilleure qu’en 2021 (+0,5 %), mais toujours loin de l’objectif des 4 % de baisse annuelle requis pour atteindre la cible ODD 7.3.
Cette lenteur compromet l’atteinte des objectifs climatiques internationaux et souligne le besoin d’investissements accrus dans la modernisation des réseaux, l’innovation technologique et la gouvernance énergétique.
Une part croissante mais encore marginale des renouvelables
La part des énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie a progressé pour atteindre 17,9 % en 2022, avec une capacité installée moyenne de 478 watts par habitant en 2023, soit une augmentation de 13 % par rapport à 2022. Cependant, ces chiffres restent en deçà des exigences posées par les trajectoires de neutralité carbone et les scénarios de développement inclusif.
Les pays africains disposant d’un fort potentiel solaire ou hydraulique demeurent confrontés à des difficultés structurelles : faiblesse des infrastructures, manque d’expertise locale, incertitudes réglementaires et complexité des montages financiers.
Appels à une action structurée et multilatérale
À quelques jours de la présentation officielle du rapport au Forum politique de haut niveau des Nations Unies prévu le 16 juillet 2025 à New York, les principaux leaders du secteur énergétique multiplient les appels à une réforme en profondeur.
Fatih Birol, directeur exécutif de l’AIE, rappelle que l’accès à l’énergie est une condition préalable à tout développement économique et social :
« L’expansion de l’accès à l’électricité et aux technologies de cuisson propre progresse trop lentement. Il est impératif d’agir avec ambition pour éviter une fracture énergétique persistante. »
Une opportunité de transformation structurelle pour l’Afrique
L’Afrique subsaharienne ne manque ni de ressources renouvelables, ni de volonté politique. Ce dont elle souffre, c’est d’un écosystème de financement adapté à ses réalités, capable de conjuguer durabilité, résilience et inclusion. Le rapport 2025 sur le suivi de l’ODD 7 rappelle que sans une reconfiguration profonde des flux financiers, les ambitions climatiques et de développement du continent risquent de rester lettre morte.
Accélérer la transition énergétique en Afrique nécessite dès lors une gouvernance multilatérale plus inclusive, une mobilisation renforcée du secteur privé, et une valeur stratégique accrue accordée aux solutions locales, innovantes et durables. Car au-delà de l’électrification, il s’agit de garantir à chaque citoyen africain un accès digne, fiable et équitable à l’énergie, condition sine qua non de la transformation économique du continent.
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